Marianne Camus / Université de Bourgogne / France
Hélène Bessette (1918-2000) est ce qu’on appelle une auteure maudite. Malgré le soutien de Raymond Queneau qui la défend auprès d’une des plus grandes maisons d’édition françaises, Gallimard, malgré les treize romans publiés, les nominations au Goncourt et l’obtention du prix Cazes de la Brasserie Lipp pour son premier roman, Lili pleure, en 1952, elle sombre dans l’oubli. Elle fait pourtant bien partie des expérimentateurs du roman du milieu du vingtième siècle ; nombre de ses contemporains écrivains reconnaissent à l’époque son immense talent, en particulier Marguerite Duras, qui déclare dans un entretien à l’Express du 2 janvier 1964 : « La littérature vivante pour moi, pour le moment, c’est Hélène Bessette, personne d’autre en France. » Mais les choses sont peut-être en train de changer. En 2006, la maison d’édition Léo Scheer, sous l’impulsion de Laure Limongi, publie Le Bonheur de la nuit, écrit entre 1968 et 1969 et resté inédit. Elle réédite également un certain nombre d’œuvres dont MaternA et Ida ou le délire. Et Le Nouvel Attila a entrepris de publier l’œuvre intégrale de Bessette sous son label Othello. Les textes de l’écrivaine sont donc désormais accessibles. Un colloque à Cerisay en 2018 indique également, sinon un regain d’intérêt du grand public, du moins une conscience de l’importance de l’auteure dans le paysage littéraire du 20ème siècle.
Julia Deck dans la postface de On ne vit que deux fois, l’autobiographie de Bessette écrite au début des années 1990 et finalement publiée en 2018, essaie d’expliquer pourquoi « Hélène Bessette n’est pas reconnue à sa juste valeur. » Elle suggère que « Soit c’est le public qui ne comprend rien dès que l’auteur s’écarte un peu du roman traditionnel. Soit c’est le milieu littéraire qui s’horrifie dès qu’apparaît une nouveauté vraiment nouvelle. Soit c’est la maison Gallimard, qui, GRAND UN, lui refuse ses manuscrits, et, GRAND DEUX, s’oppose à ce qu’elle les présente ailleurs » (Besette, 2018, p. 141). À ces trois raisons s’ajoute celle de son « foutu caractère de cochon » (Besette, 2018, p. 143), qu’elle résume en une phrase : « Hélène ne fait aucun effort. Elle rechigne, elle renâcle, c’est une manie, une profession » (Besette, 2018, p. 141). Et elle conclut en soulignant que la plupart des chefs d’œuvre sont fondés sur une obsession, manière de dire que ce n’est pas le caractère d’un artiste qui compte, c’est son œuvre.
Elle a raison. Un caractère difficile même s’il est encore moins toléré chez une femme, ne peut en aucun cas être un critère d’évaluation artistique. Il a sans doute servi de prétexte à un monde littéraire déstabilisé par le fait qu’Hélène Bessette, dans et par ses textes, lance un défi à toutes les limites qui définissent ou encadrent la fiction. Les sujets abordés, la structure narrative, les personnages, les techniques de narration, la syntaxe et la typographie sont tous, sinon mis à mal, du moins poussés jusqu’à leurs limites et au-delà. En même temps, ou en plus, la lectrice ou le lecteur a l’impression que ce que Bessette veut in fine, c’est dépasser ou effacer les limites, non seulement entre les genres littéraires (fiction, poésie, théâtre) mais aussi entre les formes de création (écriture et musique, écriture et performance, écriture et peinture).[1] On n’est plus dans le simple travail de sape des limites ou leur mise à mal, on est dans la négation même des limites, dans la volonté de construire une œuvre qui jouerait de et avec tous les moyens d’expression disponibles, une œuvre inclusive où les notions mêmes de marge et de limites n’auraient plus lieu d’être.
Comme elle mène de front les différentes stratégies de son entreprise d’abolition des limites, il n’est pas toujours aisé de les analyser séparément. Cet article tentera donc modestement,[2] à travers plusieurs textes, de dégager certaines des techniques et des intentions de Bessette. Pour commencer par les thèmes abordés, il est facile d’affirmer que l’œuvre de Bessette entre sans difficulté dans la grande tradition du roman de la comédie humaine, et de constater que la somme des textes dessine un portrait sans complaisance de la France des années cinquante. L’auteure s’attaque au système de classes, aux inégalités sociales, au cynisme des ‘ayants’. Il est impossible de tout traiter dans le cadre d’un article. Nous nous contenterons d’examiner deux des thèmes constants de son écriture qui révèlent son côté visionnaire ; elle pressent en effet, et cela dès les années cinquante, la société dans laquelle nous vivons aujourd’hui, pleine de bruits et d’images dont le sens demeure souvent confus. Elle est certainement d’une lucidité sans faille quant à l’argent roi et la société de consommation qui s’installe et va submerger le monde occidental. Avant Boris Vian et sa chanson « La complainte du progrès » (1956), bien avant Georges Perec et son roman Les Choses (1965), elle est la première à observer la frénésie d’appropriation qui s’empare des gens et recouvre ou remplace toutes les autres ambitions ou aspirations. Un des exemples les plus frappants, et peut-être le plus poignant ou le plus cruel, est la scène, dans Lili pleure (1953), du retour du mari de Lili du camp de concentration de Dachau. Toute l’horreur des camps est évoquée à travers les bijoux qu’il répand sur la table « brill[ant] de leurs pierres, de leurs perles, de leurs ors, de leurs platines, de leurs diamants habitués à l’ombre depuis tant d’années » (Bessette, 1953[3], p. 126), ainsi que par les deux phrases qu’il prononce : « Je suis revenu, mais elles, ne sont pas revenues./ Il y a ceux qui reviennent et celles qui ne reviennent pas » (Bessette, 1953, p. 27). Le fond de l’horreur n’est cependant atteint qu’un moment plus tard quand Lili répond :
Nous les vendrons […]
Avec l’argent nous achèterons :
Un manteau de fourrure.
Un tapis
Un canapé.
Une auto.
Une salle de bains.
Un frigidaire.
Une machine à laver.
Des fauteuils.
Des draps de lit (nous en avons besoin).
Un service à thé (en vieil argent, c’est si beau).
Une cocotte-minute.
Une bouillotte.
Une couverture chauffante.
L’eau chaude courante.
L’éclairage indirect.
Un plat à hors-d’œuvre (j’ai désiré un plat à hors-d’œuvre).
Douze porte-couteaux.
Une table roulante. » (Bessette, 1953, p. 126–128)
Deux remarques peuvent être faites. D’abord, la conclusion implicite, mais non moins acerbe pour cela, que si l’extermination de millions d’êtres humains n’a pas réussi à purifier l’humanité des races dites inférieures, elle servira au moins à assurer le confort matériel et ménager de ceux qui ont été épargnés. Ensuite, le côté haletant de ces fragments, sans verbe et tous suivis d’un point, qui se succèdent l’un sous l’autre. Cela indique évidemment la bousculade des désirs qui jaillissent sans ordre et sans réflexion. En même temps, cette accumulation a certainement un impact visuel (liste de courses, de mariage) et sonore, presque incantatoire[4]. C’est une technique que nous retrouverons car elle utilisée, avec des variantes, de manière systématique par Bessette.
Cette faim d’objets que rien ne peut assouvir et toutes les conséquences qui en découlent sont au centre de La Tour (1959). Une fortune inespérée, gagnée à un jeu radiophonique idiot, (qui fait immanquablement penser à la télévision d’aujourd’hui) sort Louise et Marcel de leur pauvreté. Le texte est plein de chiffres, les prix en milliers de francs de toutes les choses dont ils rêvent avant leur coup de chance et en millions quand ils sont devenus riches et peuvent s’offrir ce qu’ils veulent. Le texte accumule également, comme dans l’exemple ci-dessus, les listes d’objets désirables, désirés et finalement obtenus. Cela va des tapis au petit pull rouge qu’on voit bien sur la neige et prouve qu’on a les moyens d’aller aux sports d’hiver, en passant par tout ce qu’on peut imaginer d’objets utiles ou pas. Une phrase : « Déballage. Rouleaux par kilos. De drap. De toile. De matière. De matériaux. Qualité. Quantité. Quantitatif. Qualificatif. Calicot. À tous prix. À tous les prix. Dévidoir » (Bessette, 1959, p. 87) résume cette surabondance en même temps qu’elle la fait s’effondrer grâce à un tout petit mot, « calicot », ce tissu grossier et bon marché, qui ramène la prospérité matérielle à sa trivialité intrinsèque.
Ce travail de sape court tout le long du texte, par exemple dans la description du bonheur de conte de fées attendu par Louise, nouvellement riche :
Louise le cœur azur empli de l’image sereine d’un avenir meilleur. Bond prestigieux. D’un monde vers l’autre. Le coup de baguette. Le château succède à la chaumière. Plus rien à envier. Tous les désirs sont comblés. Mains vides qui n’ont plus rien à quémander. La bergère devient princesse. La malheureuse devient une ennuyée. Étage supérieur. (Bessette, 1959, p. 56)
Les deux dernières phrases défont le rêve azur argent de l’héroïne. Tout peut être résumé dans ces quelques lignes : « Avoir ou ne pas avoir./ To get or not to get./ J’ai, donc je suis./ Avoir pour être./ Avoir au dépens d’être./ Avoir d’abord » (Bessette, 1959, p. 30). Si la réaction de Bessette face au monde qui se construit après-guerre nous semble aujourd’hui d’une grande lucidité, on peut facilement imaginer qu’elle ait heurté ses contemporains qui, après les privations de la guerre, étaient tout entiers tournés vers l’oubli du passé et le désir de bonheur. Les énumérations répétées et presque sans fin de tous ces objets aussi désirables et désirés que triviaux donnent presque le vertige. En même temps elles bousculent la frontière de la bienséance qui tente de voiler une avidité sans fond derrière l’élégance et les bonnes manières.
Un autre thème universel du roman que Bessette malmène est celui de l’amour. Tous ses textes en effet tournent autour de l’amour – ou du manque d’amour. L’amour dont elle dit, encore une fois avec prescience, les évolutions à venir, libération du désir et confusion entre sexe et amour. Elle dit crûment et sans métaphore la puissance du désir féminin dans son premier roman, Lili pleure. L’héroïne éponyme, empêchée par sa mère d’épouser son premier amour, finit par s’épanouir dans un plaisir qui est à la fois explosion libératrice et révélation à soi :
Ne me regardez pas ainsi parce que je suis amoureuse./ C’est un amour qui fait du bruit./ Qui carillonne. Qui claironne. Qui tambourine. Qui piaffe. Qui gémit. Qui râle. Qui fend l’âme. Qui n’a plus de son pour s’exprimer. Qui doit en inventer. Qui doit en multiplier. Qui doit en recommencer … J’ai envie de faire l’amour avec lui. Parfaitement./ J’ai envie de me déshabiller pour lui. Parfaitement./ Toute ma vie./ Je me déshabillerai pour lui toute ma vie… Été de la Saint Martin./ Automne d’une femme. Regain de jeunesse./ Dernier sourire./ Refoulement de maternité./ Et Lili chante : / – Je sais ce qu’est le plaisir maintenant./ Oui je sais ce que c’est:/ LE PLAISIR . / Elle est très contente de savoir ce que c’est : LE PLAISIR. (Bessette, 1953, pp. 141–144)
On retrouve cette franchise à propos du désir féminin dans MaternA (1954) sous la forme d’une relation lesbienne entre BrittA, la directrice d’école et DjeminA, son adjointe qui raconte :
Si vous l’aviez connue il y a 20 ans.
Vous l’auriez aimée aussi.
Quand nous nous sommes trouvées ensemble,
chante DjemA.
pour travailler,
ensemble
nous étions
ensemble
Elle et moi, nous deux.
Elle a toujours des excuses. Il faut la comprendre.
moi je
la comprends.
Après ma déception d’amour (avec le gentleman farmer, c’est elle que j’ai
rencontrée.
Près d’elle, j’ai oublié.
Elle a été de tous mes instants.
ELLE.chante DJ. (Bessette, 1954, p. 182)
Cette liberté de ton face à l’amour et à la sexualité est finalement au cœur de Le Bonheur de la nuit (2006). Il ne s’agit pas ici d’amour fou ou d’amour lesbien mais « d’histoires dites d’amour./ Mêlées. Entrecroisées. Voisines. Superposées./ Dans un imbroglio endiablé » (Bessette, 2006, p. 198). En effet, « Le valet de chambre veut Doudou la Blonde. Doudou la Blonde veut le Marquis. Le Marquis veut la Marquise et Chérie la Marquise veut le jeune homme jaune » (Bessette, 2006, p. 199). De toute façon, il s’agit de bousculer les normes et les limites de ce qui est acceptable. Et de nouveau Hélène Bessette va plus loin en faisant quasi exploser le concept même d’amour :
ce fameux amour rarissime […] mis à la portée de tous et de toutes.
Principe d’économie de la Société de Consommation.
Tristan et Yseult. Evanouis dans l’espace. Visages évaporés. Dans la nuit des Temps. Le Couple. De papier journal. Fabrication méthodique. En série. N’importe où. N’importe quand. N’importe qui. Rencontres au pluriel. Jamais seul. Duo obligé. Obligatoire. Toujours deux. L’humanité rangée deux par deux pour un Paradis empli de Monoprix. Petits Tristans et petites Yseults. En milliers d’exemplaires. Et sans Eternité. (Bessette, 2006, p. 85)
L’amour démocratisé, mis à la portée de tous, comme le design ou la mode par Monoprix ! Il rejoint les biens dont il nous faut jouir dans la société de consommation mentionnée plus haut à propos de La Tour.
Hélène Bessette choqua ses contemporains par sa représentation sans aménité du monde dans lequel elle vivait. Le temps a passé, les perceptions ont changé et ce qu’elle dit ne choque plus personne aujourd’hui. Il n’en va pas de même pour sa manière de faire, qui est toujours aussi neuve et déstabilisante. Si Hélène Bessette n’est pas entrée dans le canon littéraire du vingtième siècle, c’est sans doute en partie parce que la radicalité est chez elle empreinte d’une sorte de sauvagerie qui s’attaque à tous les aspects de l’écriture en même temps. Cela commence par sa/ses définition/s du roman. Le prologue de MaternA, par exemple, s’ouvre ainsi :
Roman sans paysage.
Pas de décor.
Pas le temps de décorer.
Sans décoration.
Siècle de la vitesse.
Lecteur est pressé.
La romancière est pressée.
Le lecteur lit à 60 à l’heure.
à 80 à l’heure.
à 35 nœuds.
à 400 à l’heure.
et :
LES PERSONNAGES SONT PRESSÉS.
—VITE. ALLONS. DEPÊCHEZ-VOUS.
VITE. » (Bessette, 1954, p. 9)
La lectrice ou le lecteur est en droit d’imaginer qu’elle ou il va lire un texte sur la destruction du roman dans la mesure ou vitesse et temps romanesque et temps de lecture semblent parfaitement incompatibles.
Quant au Bonheur de la nuit, la déclaration de la narratrice, n’implique-t-elle pas, d’une certaine manière, l’après destruction, le chaos ? :
Breughel aux os blanchis élève la voix.
—On peut juste parler de ce qu’on voit.
Et, que voit-il ?
Mon œil unique et fidèle, à optique à enregistrement perfectionné, à vingt dixièmes de vision, mon œil bien visionné s’est fixé sur :
le Monde près de moi en délire.
Cette Humanité aux Portes
aux Portes de la Folie
Soit pour entrer. Soit pour sortir.
On n’en sait rien. On ne sait pas les voir. S’ils avancent. S’ils reculent. Le résultat est le même.
Qu’il s’agisse d’une fin ou d’un commencement.
Ainsi bien placé, entre deux mondes
Ne sachant s’il faut avancer ou reculer.
L’instant pathétique
L’instant du choix
Le moment théâtral. ( Bessette, 2006, p. 13)
Il est évident en tout cas que le but même de l’écriture est ici de brouiller, de fracturer ou même de faire exploser toutes les frontières. Y compris celles qui séparent les différentes formes de créativité. Car la déclaration commence avec Breughel, peintre de la multitude humaine, et finit sur le théâtre, lieu où se joue non seulement la folie des hommes mais aussi les moments critiques du destin. Elle réitère d’ailleurs l’idée quelques pages plus loin : «Le roman comme récit d’une crise./ Plutôt somme d’erreurs et de rétractations./ Discussion avec soi-même./ Dénégation. Refus./[… ] C’était donc du théâtre » (Bessette, 2006, p. 19).
On ne peut s’étonner alors que la structure des romans de Bessette ne soit pas dans les normes. Il n’y a pas de déclaration d’intention en ce qui concerne son seul roman policier, Vingt minutes de silence (1955). Elle n’en a pas besoin car elle commence par jouer de manière visuelle avec la notion de suspense typique du genre : quatre pages se succèdent, blanches, avec au centre « vingt minutes de silence », dans une police qui, de minuscule sur la première page, grandit sur les deux suivantes pour arriver à la taille attendue pour un titre à la quatrième. Ensuite arrive la page titre de la première partie : un mot plein centre en italiques, ATMOSPHÈRE. Le jeu sur les limites entre l’écrit et le visuel imaginaire qu’il encourage va de pair avec le jeu sur les raisonnements aussi logiques que manipulateurs que maitrise tout bon auteur de polar et qu’Hélène Bessette pousse jusqu’à leurs limites, et peut-être même un peu plus loin si l’on se réfère au :
RÉSUMÉ
Le père était criminel
La mère était criminelle
Le fils était criminelC’était une famille de criminels.
Car finalement qui est mort, sinon le fils ?
On ne le rencontre plus nulle part, il est donc mort.
Qui a tué le fils, sinon le père ?
Qui est mort, sinon le père ?
On ne le rencontre plus nulle part, il est donc mort.Qui a tué ?
et
Qui l’a tué ?
Puisque le crime s’appelle parricide, c’est le fils qui a tué le père.
Seule la mère n’est pas morte, on peut la voir, on peut la rencontrer.
Elle est donc vivante. Puisqu’elle est vivante et que les autres sont morts, c’est donc elle qui a tué. (Bessette, 1955, p. 45–46)
Cela relève certes de l’humour mais aussi d’un désir de briser les codes, donc les limites. Ce qui est confirmé par les titres des trois parties suivantes du roman, respectivement « poème des données », « poème des questions » et « poème des solutions ». On joue toujours, mais de manière beaucoup plus sérieuse, à repousser, à flouter, ou à sauter par-dessus les limites des genres littéraires. On est encore à quelques années de la création par Hélène Bassette de son GRP, Gang du Roman Poétique, mais la pratique est évidemment en train de s’installer. L’extrait cité donne également un premier exemple de ce qui est une des caractéristiques de l’écriture d’Hélène Bessette, un rythme très particulier, scandé, presque syncopé, pas vraiment typique du polar, mais typique de l’environnement de beaucoup de polars classiques américains, celui du monde de la nuit et des boîtes de jazz. Les répétitions avec variations font penser aux motifs autour desquels on improvise sans jamais les perdre. Nous avons là une première instance d’une volonté de dépasser les limites ou frontières et de construire une œuvre transversale, inclusive, au-delà des règles en tout cas.
Le brouillage des règles qui enserrent ou contraignent la forme romanesque est encore plus évident dans Le Bonheur de la nuit dont la structure ne peut que surprendre et déstabiliser le confort de la lectrice ou du lecteur. Il y a d’autres exemples, mais celui-ci est sans doute un des plus aboutis. Le roman semble à première vue être organisé de manière classique en parties. Sauf que la mise en page et la graphie qui annoncent ces parties ne semblent suivre aucune règle. Centrés dans le tiers supérieure d’une page blanche, nous trouvons (taille et type de police respectés) : « Prologue », « NUIT », « BONHEUR », « Fin du roman » et « ABSENCE ». Pourquoi ces variations ? Pourquoi ce RIEN tout seul au milieu d’une page blanche ? Fait-il partie du texte ou annonce-t-il une nouvelle partie ? La même apparente incohérence caractérise les en-têtes de chapitres. Il peut n’y avoir aucune indication, simplement passage à la page suivante et positionnement du texte. Quand ils sont présents, les titres vont du simple mot comme « Orage » ou « l’ennui » à des formulations quasi narratives, par exemple : « Vie privée de l’actrice » et en dessous « HISTOIRE DE CHÉRIE RACONTÉE À L’IMPARFAIT. » Plus troublant, les chapitres peuvent aussi, apparemment, débuter en cours de page, « LE BONHEUR (suite) » ou « Deuxième orage » pour ne citer que deux exemples.
On ne peut s’étonner alors que les personnages soient si peu réalistes. On pourrait affirmer que nous sommes ici dans la droite ligne du Nouveau Roman dont Bessette est contemporaine et auquel elle peut être associée. Comme chez Nathalie Sarraute, les personnages sont des agents d’expression de pensées ou d’émotions, les leurs ou celles des autres. La protagoniste d’Ida ou le délire (1973) en est un bon exemple en ce qu’elle est morte et n’est appréhendée par la lectrice ou le lecteur qu’à travers ce qu’en disent les femmes qui ont été ses employeuses – elle était femme de ménage. Hors des limites de la vie, hors champ, Ida demeure le mystère de la marge où on l’avait mise. En même temps les paroles qu’elle, ou sa disparition suscitent, non seulement font perdurer son existence mais en outre révèlent l’indifférence de classe des femmes qui parlent, le mépris assassin d’une bourgeoisie bornée qui ne pense que par clichés. Donc, même morte, Ida existe, elle est là un peu comme un trou noir dont on ne sait rien sauf qu’il est là.
Les personnages du Bonheur de la nuit sont, quant à eux, bien vivants et si frénétiquement actifs qu’il devient difficile de suivre leur parcours. D’autant plus qu’ils ne semblent pas dotés d’une identité stable, à commencer par le protagoniste aux contours très fluctuants. « Nata. Natanaël diminué./ Très diminué. » (Bessette, 2006, p. 23) devient « … Nata/…/ Chef de bande./ celui qui domine. Qui en a plus que les autres. Qui sait ce qu’il fait » (Bessette, 2006, p. 24). Puis « Monsieur Nathanaël./ Portrait. Style Empire. Cadre désuet. Ovale. Doré. Fané » (Bessette, 2006, p. 25). Puis encore, « Descendant des Natanaëls./ Depuis l’Empire. Sauf erreur. » et qui « astique dans le soleil les verrières de sa Thébaïde » (Bessette, 2006, p. 30). Il est aussi « vulgaire, trivial à plaisir, [et] crie:/ —Comment ai-je pu épouser ‘ça’ ? » (Bessette, 2006, p. 38). On apprend aussi que « Monsieur Natanaël est le mari moderne./ Tout simplement./ La mentalité de souteneur du mari moderne./ Qui ne peut supporter sa petite putain de femme moderne. À crises modernes » (Bessette, 2006, p. 41).
La confusion est encore plus grande entre les personnages féminins qui gravitent autour de Natanaël. On peut citer des noms, Madame, Oula, Doudou, l’actrice, Chérie, la Soubrette. Mais dans l’action qui semble consister principalement à essayer de coucher avec Nata et encore mieux de l’épouser, elles se confondent, se superposent, se dissolvent l’une dans l’autre. Chérie serait également l’actrice, mais le texte déclare clairement « Chérie = Soubrette » (Bessette, 2006, p. 34). Et puis surgit « une grosse femme brune. Noiraude. Forte en postérieur […]/ Excitante et sexy./ […]/ Étonnante réplique de la femme disparue./ Effacée. Gommée » (Bessette, 2006, p. 56). Il y a aussi Doudou, à la fois ou tour à tour bourgeoise femme de médecin, putain, gouvernante du château, et une marquise avec 24 enfants. Elle est en plus et en même temps Doudou, Chérie et la Soubrette. La situation est résumée par la phrase « Doudou Chérie La très présente Oula la Soubrette Doudou la Blonde (Bessette, 2006, p. 79) où l’absence totale de ponctuation donne toute liberté à la lectrice ou au lecteur pour faire son choix, ou se perdre. Ce qui serait sans doute le plus sage au vu de la déclaration :
—Oui il est fiancé !
—Oui il va se marier !
Personne ne sait plus avec qui. Lui, encore moins que les autres. (Bessette, 2006, p. 199)Le brouillage est total, la disparition, ou dissolution des personnages complète. Nous arrivons au chaos, à ce monde en délire et cette Humanité aux Portes de la Folie mentionnés au début du texte et cités plus haut.
Il ne faudrait cependant pas oublier la référence à Breughel qui réapparait à plusieurs reprises dans le texte. Le parallèle entre le monde du Bonheur de la nuit et ses saynètes souvent agitées, toutes différentes et toutes en relation les unes aux autres et les toiles du peintre, fourmillantes d’une humanité peu différenciée mais où chacun est tout entier concentré sur ce qu’il fait – jouer, boire ou égorger, indique peut-être qu’il serait bon de prendre un peu de recul pour mieux saisir le panorama humain qui nous est offert par la romancière. Le recul à prendre est également suggéré par un certain nombre de personnages secondaires stables, la plupart domestiques de Nata, qui fonctionnent comme le chorus du théâtre grec où les apartés du théâtre de boulevard. La femme de ménage constate : « ils se battent » (Bessette, 2006, p. 35), puis « Il va l’épouser » (Bessette, 2006, p. 57). « —C’est elle qu’il préfère, marmotte la Cuisine aux aguets » (Bessette, 2006, p. 56). Et la lingère de conclure : « Il n’y aura pas d’histoire avec elle » (Bessette, 2006, p. 68). On pourrait aussi penser aux films à gags des débuts du cinéma avec ses figures sautillantes et les intertitres. Cette intermodalité, plus ou moins explicite, est présente dans tous les romans de Bessette. L’auteure fait feu de tout bois pour, pourrait-on croire, faire imploser la forme du roman.[5]
Sauf que, et c’est immédiatement perceptible, elle crée par son écriture même un monde nouveau aussi excitant qu’il est déstabilisant. Nous sommes en fait de nouveau face à une tentative d’effacer ou au moins de jouer avec les frontières entre d’une part écriture et parole et de l’autre entre écriture et musique, plus précisément le jazz, déjà mentionné à propos de Vingt minutes de silence. Le luxe d’une longue citation devrait permettre d’apprécier en même temps que le caractère poétique de l’écriture, le rythme, les transitions tantôt imperceptibles, tantôt éclatantes de ce qui ici, nous semble-t-il, tire vers le blues.
L’ennui doux. L’ennui triste. De couleur mauve.
Aux paroles oubliées.
— Qu’est-ce que tu disais ?
Aux questions sans réponses.
Aux paroles lasses.
— Quelle heure est-il ? quatre heures dix ou deux heures vingt ?
Aux promenades sans but.
— Qu’est-ce que je faisais ?
L’ennui oisif. Lascif.
— T’as des cigarettes ?
— On fait quelque chose ?
Long. Longues les heures.
Attendre l’événement.
Qui ne se produit pas.
L’ennui. Brume opaque. Entre les uns et les autres.
L’éclairage gris.
Le jour fade de l’ennui bien installé.
Et rien ne se passe
de ce qu’on espérait.
L’attente longue de la Comédie-Tragédie.
Souhaitée.
Des morts. Des blessés. Des mourants. Des crimes.
Des procès. Des assassins. Des gendarmes. Des
juges. Des coups. Des blessures. Des cris.NON
RIEN
Mais les regards embués
Sur le jour pâle et violet
Qui s’étale aux carreaux
Par-delà les jardins.[6] (Bessette, 2006, p. 177–178)
Tout est là. Hélène Bessette n’est pas au-delà des limites ou à la marge, elle est là où il n’y a plus ni limites ni marges. Entre écriture et musique mais aussi entre écrit et parole, texte pour les yeux et texte pour l’oreille. Ce qu’elle exprime d’ailleurs dans un autre roman, Garance Rose (1965) dans un court échange entre lecteur et narrateur :
—Ça n’a aucun sens.
Crie un lecteur. Vous nous jetez en plein récit. On ne suit pas le fil de votre histoire (car il a besoin d’un fil).
Très bien consent le narrateur. C’était pour donner le ton.
J’accorde les instruments.
Diapason avant les trois coups.
Bruissement des musiques.
On y est ?
Deux et un… trois. (Bessette, 1965, p. 34–35)
Les jeux sur la graphie et la disposition typographique participent bien sûr de la mise en place de ce rythme en même temps qu’ils suggèrent ou impliquent le ‘dire’ du texte avec ses pauses, ses variations d’intensité vocale et surtout le rythme du souffle.
Ces pratiques sont constantes, avec des variations, dans tous les romans de Bessette. Si Le Bonheur de la nuit donne la sensation d’une ronde, ou d’une farandole échevelée du sexe et de l’argent, MaternA, quant à lui est une ronde marchée tantôt au pas cadencé imposé par le pouvoir, tantôt au pas las du prisonnier dans sa cellule. Le texte est d’abord rythmé par ce A qui saute aux yeux, dans le titre et à propos duquel le texte offre très vite sinon une explication, du moins une affirmation.
maternA
le A est important.
Car l’enfance est le A de la vie.
C’est pourquoi on écrit : maternA
C’est pourquoi les héroïnes s’appellent :
BrittA
GrittA
DjeminA
IolA
PierA
MonA
LisA
Le A domine.
Le livre parle en A.
Histoire sans homme.
Histoire de femmes.
Dans l’eau des bouches déformées des femmes,
le A comme une feuille morte entraînée.
Il est le A de la vie.
L’image ramollie des femmes dans l’eau pâle de leur vie quotidienne
et dans le jeu des clartés fades :
le A brillant
le A debout
le A vivant.
Le A de la vie.
Les femmes au cœur attiédi mais dans ce cœur :
le A rouge.
Le A de la vie.
Les femmes au visage illuminé par le A de la vie qui ne s’éteindra pas.
Mais que reste-t-il si quelqu’un coupe le courant.
Allumons le A. (Bessette, 1954, p. 12–13 )
Le A omniprésent dans ce passage et qu’on retrouve d’une manière lancinante tout au long du roman suscite un certain nombre de remarques. La voyelle ‘a’ est certes la marque des prénoms et parfois des noms féminins dans de nombreuses langues. Ce n’est pas le cas en français qui préfère le e muet pour féminiser les noms. Ce qui pourrait être coquetterie de style prend cependant une dimension autre par le fait que, bien que situé en fin de mot, il est toujours en majuscule. Il y a là torsion, transgression de la graphie, qui pousse ou tire vers un ou des sens que la lectrice ou le lecteur se doit d’élaborer ou de découvrir car on est dans une variante au-delà des limites généralement acceptées, en quelque sorte hors-piste et dans l’immensité des inventions langagières.
Ce A est bien sûr pris comme une affirmation du féminin, d’un féminin qui, à travers la majuscule devient force de pouvoir, agent de maîtrise plus que de maternage. En même temps, il gomme les personnages qui ne sont plus définis que par le ‘féminin’ de ce A. Mais la manière dont il se dresse à la fin de noms féminins fait aussi penser à un mur et peut être perçu comme une marque de la limite du pouvoir des femmes, d’autant plus que, placé en fin de mot, il clôt, visuellement, le propos. Son aspect emphatique suggère également le ridicule, ce que le texte développera à loisir. Par exemple à travers les « A » placés en milieu de mots – « un grand mAriAge », « l’École normAle » , « l’AnonymAt », ou « les dAmes » – qui dans leur grande majorité font référence au monde et à l’expérience traditionnels des femmes. Visent-ils à valoriser ce monde ou au contraire à souligner ses limites et ses contraintes ? Au vu des autres procédés relevés dans le texte, on peut avancer que la seconde hypothèse est la bonne.
Il y a tout d’abord le fait que dans cette histoire d’école maternelle, et malgré l’affirmation immédiate que l’enfance est le A de la vie, les enfants et leurs parents demeurent accessoires, et que ce qui est au centre du roman ce sont les « institutrA » autour de leur « directrA » et avec en arrière-plan « l’inspectrA » dans un système d’une hiérarchie rigide et sans tendresse. Le pouvoir s’exprime sans détours à travers la répétition inlassable de « MOI JE », « MOA » et « JE », le plus souvent centrés seuls sur une ligne, et qui, outre leur impact visuel, donnent au texte un aspect sonore. Aspect sonore que l’on peut qualifier de hurlant car il n’y a pas que les mots cités ci-dessus ; les insertions en lettres majuscules de mots ou phrases parfois détachés du texte et centrés, parfois dans le texte, sont très nombreuses. Il s’agit toujours d’injonctions, de mises en garde ou d’ordres. « TRA-VAIL-LEZ » (Bessette, 2006, p. 89), « TU METS BIEN LONGTEMPS À M’OBÉIR » (Bessette, 2006, p. 110) ou « PASSONS AUX CHOSES SÉRIEUSES » (Bessette, 2006, p. 262) n’en sont que quelques exemples. Sans oublier l’omniprésence des verbes hurler et crier. On ne parle pas dans MaternA, on hurle[7]. Tous ces signes d’emphase finissent, pourtant et à l’instar du A, par être contre productifs et par ressembler plus à un long cri de frustration ou de désespoir qu’à une manifestation d’autorité. Plus qu’une présence forte, ils traduisent une peur profonde de ne pas être vue et révèlent la situation des femmes dans la société, toujours à la limite de la disparition, et toujours secondaire et triviale.
Ces premières remarques indiquent également qu’à partir de « A » s’organise un autre franchissement ou dépassement des limites, en ce que le texte écrit offert à la lecture sort du silence et devient voix au sens premier du terme. Peut-on affirmer qu’on est tout proche de la poésie sonore ? Cela semble être le cas, d’abord en ce que le caractère emphatique ou d’urgence donné par les majuscules et le choix de termes du dire est conforté par ce rythme si spécifique à l’écriture de Bessette et qui ici est défini d’emblée comme fermé ou enfermé. En effet, nous ne sommes pas dans la fluidité et l’ouverture du jazz. Les titres de chapitres, « CHANSONNETTES SUR LES MINUTES, « CHANSONNETTES DE FEMMES » ou « dernière chansonnette » font passer l’idée de ritournelles sans fin, obsédantes et peu stimulantes. Un exemple est suffisant, le très infantile : « PAN PAN QU’EST-CE QU’EST LÀ ?/ C’EST POLICHINELLE MAM’ZELLE,/ PAN PAN QU’EST-CE QU’EST LÀ ?/ C’EST POLICHINELLE QUE V’LÀ » ( Bessette, 1954, p. 281).
Sous la musique stridente et répétitive des majuscules, des hurlements et des chansonnettes, court cependant une autre veine, une voix ou une musique à mi-voix dont les variations et les répétitions suggèrent une mélancolie qui s’entend autant qu’elle se lit: « Prisonnière/ Détenue/ Maintenue/ Mains tenues/ Menottes » (Bessette, 1954, p. 33). Ou « Nous sommes des gens sans espoir, sans désespoir, sans projet, sans crainte, sans joie et sans chagrin. Nos vies diminuées, nos vies enfantines sous la tutelle de papa-gouvernement » (Bessette, 1954, p. 179) Ou encore, résumé parfait de ces vies qui tournent en rond :
—N’oubliez pas, hurle DjeminA que : deux jours de vacances.
Nous partons.
Nous prenons la route.
Nous filons.
Nous nous évadons.
(de la maison-prison).
Nous mettons les voiles.
Nous oublions un instant que nous sommes des fonctionnaires, des gagneurs de pain, des enchaînés.
…—Hé bien, dit Djemi :
nous ne sommes pas partis
nous n’avons pas filé
nous n’avons pas couru
nous n’avons pas brûlé
nous n’avons pas poursuivi (quoi ?)
nous n’avons pas quitté (quoi ?)
Nous sommes restés tranquilles
tranquilles,
à cause des bougies. (Bessette, 1954, p. 234 et 236)
Sans aller jusqu’à une analyse fouillée, on peut noter la différence entre les deux passages malgré une disposition typographique similaire. L’énergie, l’envie de vivre de la première partie avant le départ s’exprime par ces phrases courtes se succédant et contenant chacune une majuscule dynamisante, un verbe de mouvement au présent et un point qui rythme l’action. Tout cela est complètement retombé au retour dans la deuxième partie où le rythme donné par les majuscules et les points a disparu, tout s’est alourdi avec la négation, ralenti avec l’usage du passé composé, ralenti jusqu’au « tranquilles », qui se répète et confirme avec les « quoi ? » qui précèdent, l’absence de but, la stase irrémédiable de la vie de ces « enchaînés ».
Des coups de boutoir à la complaisance et à l’aveuglement de ses contemporains au jeu tout en subtilité sur la ponctuation, en passant par la dissolution du concept de personnage ou la déstructuration de la forme même du roman, cet article a tenté de dégager quelques-unes des stratégies utilisées par Hélène Bessette dans sa remise en question de toutes les limites dans l’art en général et dans l’art littéraire en particulier. Nous n’avons pu qu’effleurer la complexité du travail accompli par la romancière sur la langue, sur la narration et sur les interactions entre les différents médias artistiques. Nous aurions pu aborder sa capacité au néologisme ou ses jeux avec la prononciation des mots. Nous aurions pu parler de son écriture peinture, en particulier dans La Route bleue (1960), qui fait penser à certaines peintures cubistes, ou à Nicolas de Staël. Le champ des recherches est vaste et aussi riche que le plaisir du texte qui ne manquera d’accompagner cette recherche. Car une autre, et non la moindre, des limites dépassées par Bessette est celle qui sépare l’auteure de sa lectrice ou de son lecteur. Quand on lit un roman de Bessette en silence ou à haute voix, on entre dans un plaisir intellectuel et esthétique actif qui nous donne l’impression que nous créons le texte avec elle, la lecture devenue art.
[1] Hélène Bessette est considérée comme une pionnière du roman poétique. En 1959, elle fonde avec son fils le GRP, le gang du roman poétique, mais le manque d’argent et son isolement par rapport au monde littéraire en font un échec. [↑]
[2] Les travaux sur l’écriture d’Hélène Bessette sont encore rares. L’auteure attend la chercheuse ou le chercheur qui lui consacrera l’ouvrage monographique qu’elle mérite. [↑]
[3] Un certain nombre de textes ayant été republiés en même temps, nous avons choisi pour la clarté des choses d’utiliser systématiquement la date de première parution. La page faisant référence à l’édition mentionnée dans les références bibliographiques. [↑]
[4] La mise en page et la graphie font partie intégrante de l’écriture de Bessette. Les citations les respecterons au mieux chaque fois que cela semblera nécessaire. [↑]
[5] Dans Histoire du chien, texte inédit publié en 2018, elle va jusqu’à utiliser le langage de la programmation informatique. [↑]
[6] Les espaces entre les lignes et entre les mots sont ceux voulus par Hélène Bessette. [↑]
[7] Nous en avons relevé plus de cinquante occurrences dans la centaine de pages de la première partie, recensement effectué à l’œil, sans l’aide de l’informatique et donc probablement en dessous du chiffre exact. [↑]
Marianne Camus. Maîtresse de conférences Université de Besançon 1996-2003, Professeure des Universités Dijon 2003-2011, spécialiste de l’analyse des discours représentant les femmes et des représentations du monde et d’elles-mêmes par les femmes. A animé un groupe de recherche interdisciplinaire (littérature, arts visuels, danse, performance, etc.), « Création au féminin ». A publié livres et articles sur ces sujets. Depuis chercheuse et conférencière indépendante.